L’autre même : portrait de Guillaume Selosse

huile sur toile, 100 x 100 cm

La transmission est l’un des actes les plus difficiles de la vie de parents. Car si ce sont des biens, ce sont surtout des valeurs et par dessus tout sans doute celle de la liberté de poursuivre dans l’identité et la différence une oeuvre accomplie. Pour le domaine de Champagne Jacques Selosse, si prestigieux et singulier, la transmission est réussie. Guillaume Selosse a hérité d’un savoir-faire, d’une pensée et d’une ambition que son caractère, moins inquiet peut-être que celui de son père l’admirable Anselme, assemble avec une belle sérénité. Du moins est-ce ainsi que je le perçois dans cette présence tranquille dont j’espère avoir saisi les linéaments.

L’artiste, portrait de Philippe Pacalet

huile sur toile, 100 x100 cm

Je connaissais Philippe Pacalet de réputation… Je me souviens d’un déjeuner en compagnie d’un riche vigneron du Languedoc qui, comme j’annonçai ma préférence pour les vins « nature », remonta de sa cave un magnum sans étiquette issu d’une cuvée vinifiée sans intrant. C’était son vin mais comme métamorphosé dans sa souplesse, sa chair et la fraîcheur de son fruit. Il avait fait cette expérience en embauchant Philippe Pacalet. Dans ma série de portraits de vignerons, il me fallait cet « artiste » dont les vins, issus de nombreuses parcelles de propriétaires des Côtes de Nuits et de Beaune qu’il conduit et vinifie pour son compte, exaltent la beauté nature des climats de Bourgogne. Mon ami Roberto Petronio, collaborateur de la Revue des Vins de France, me les avait fait goûter et il organisa une rencontre chez Philippe à Beaune. Dans la cuisine de son appartement où son épouse brésilienne nous offrit à dîner, je fis quelques photos et Roberto, mieux équipé, en prit quelques-unes plus assurées. Fort de ces clichés et du souvenir de la dégustation en cave qui initia cette délicieuse soirée, j’ai tenté ce portrait d’un homme que je ne connais pas assez sans doute pour saisir toutes les facettes, mais dont je crois avoir capté un peu de sa présence.

La fraîcheur des Cheverny, portrait d’Hervé Villemade

huile sur toile, 100×100 cm Prix2000€ + envoi

Pour moi, Hervé Villemade compte parmi ces vignerons qui ont rendu au vin sa beauté de nature, sa complexité de terroir et sa fraîcheur de fruit. La conduite respectueuse de la vigne, sans produits de synthèse et sa façon de vinifier (dont l’usage des amphores) font du plus humble de ses vins un régal pour le palais, une douceur pour la digestion et une fanfare pour le partage. Santé!

Anselme Selosse, un Grand de Champagne

huile sur toile, 100×100 cm

L’autre-même, tel est son credo. Son ombre est toute dans la vigne, été comme hiver, et il appuie à peine sur l’effervescence (du coin de mur sur sa gauche). Anselme Selosse est un vigneron de méditation. Ses vins ne vieillissent pas, ils méditent comme lui. Car sa viticulture se double d’une pensée vivante dans la vigne et dans la cave jusque dans le verre.
Premièrement, il y a le non-agir. Le respect et l’écoute de la nature, de l’autre. Les ans passent et l’autre-même s’impose avec l’âge. L’autre-même? La conduite est la même mais l’autre m’agît, ou m’âgit si on veut. Je ne peux pas rester sans rien faire devant le monde comme il va!… J’ai appris à l’aimer, à l’écouter, il faut le conduire au meilleur. Commencer par soigner cette nature de Champagne pour qu’elle nous donne son effervescence. Puis élever celle-ci jusqu’aux papilles pour alimenter l’esprit. Mais l’autre-même, dit le père, c’est aussi Guillaume, le fils… L’autre-même, pour le peintre, n’est-ce pas le principe de la figuration?

La vigneronne, portrait de Chrystelle R.

huile sur toile , 100×100 cm Prix2000€ + envoi

Louis Dumont, dans ses « Essais sur l’individualisme », montre comment l’individu occidental moderne résulte d’un processus historique initié par le renoncement au monde des premiers chrétiens, la « liberté » fondatrice de l’individu s’affirmant dans le refus de la vie mondaine. A travers les siècles et la création de l’Eglise « universelle » puis son rejet par la Réforme, l’individu s’implique de plus en plus dans le monde jusqu’à, avec Calvin, n’avoir plus, dans la prédestination et l’incertitude de la grâce, que ce monde pour y imposer le Royaume de Dieu par sa volonté et son action. Ce processus débouche inéluctablement sur l’artificialisation du monde puisque la nature, le droit naturel et toute autre instance dépassant l’humain tendent à disparaître au profit du projet d’information et par suite de machinisation de la réalité (cf le projet transhumaniste). Le paradoxe est que l’individu, au nom de sa santé et de son bonheur, se retrouve assujetti à la machine, peu à peu dépossédé de sa liberté et donc en instance de disparition. Voilà mes lectures tandis que je peignais le portrait de cette jeune femme, de celles et ceux qui aujourd’hui résistent aux sirènes de la domination de la nature pour l’écouter.